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La Somme en Avignon/Le Mistral à réaction
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24 juillet 2007

Premières réflexions à partir de trois remarques

"Mais pour nous, ce Richard reste néanmoins un exercice de style un peu vain." (Fabienne Darge envoyée spéciale pour le Monde le vendredi 20 juillet 2007).

Si par vain on entend quelque chose qui est vide et sans intérêt, il nous semble bien au contraire que cette pièce conserve toute son actualité concernant le pouvoir politique et particulièrement concernant la relation mère-fils. Ce qui reste d’une grande efficacité dans cette représentation c’est l’affirmation de la mère de Richard III : « je te choisis comme fils ». On touche là à l’obscurité de la relation mère-fils : comment comprendre que la mère de Richard III, malgré tous les meurtres de son fils, ne le rejette pas ? Est-ce que l’amour maternel reste le plus fort ou est-ce que la mère, dans une sorte de remords, décide de prendre une part de responsabilité dans les exactions de son fils ? Est-ce qu'une mère peut tout excuser ? Concernant cette question, il nous semble que cette représentation a une particulière efficacité car elle renvoie chacun à sa responsabilité en tant que parent.

« La musique moderne, guitare électrique en direct donne une pesanteur au texte. » (un participant au séjour)

La présence de la guitare électrique n’a rien d’incongru dès lors que les costumes, les décors revendiquent une modernité. Le sujet lui-même de Richard III reste moderne : les excès du pouvoir politique, la relation mère/fils. Le fait que la musique soit jouée en direct renvoie en fait à l’origine du théâtre : on sait que sur la scène antique les instruments de musique étaient présents. Mais remarquons que la question de la musique est inséparable de l’amplification des voix dans cette mise en scène. Là encore, on sait qu’à l’origine du théâtre, les voix des acteurs étaient amplifiées par les masques qu’ils portaient. Mais il nous semble que l’efficacité de cette musique de guitare en direct ne porte pas sur le texte lui-même et donc ne lui donne aucune pesanteur, mais porte sur l’action elle-même comme si la guitare venait scander des moments importants de l’action dramatique.
C’est pour cela que l’on pourrait se demander si ce texte ne manque pas d’efficacité dramatique par rapport au texte de Shakespeare. C’est pour cela que le metteur en scène a peut-être besoin d’une manière un peu artificielle de scander extérieurement l’action qui autrement ne serait qu’une succession morne de scènes.


"Pourquoi s'est-il (Ludovic Lagarde) senti tenu de présenter tout cela sous l'angle du grinçant et du grotesque ?" (René Solis envoyé spécial à Avignon pour Libération le vendredi 20 juillet 2007).

Reprocher à la mise en scène de Richard III d’insister sur le côté grinçant de la pièce est peut-être contradictoire. En effet, le personnage central Richard III est grinçant dans le sens où sa méchanceté est toujours inséparable d’une forme d’ironie ricanante et ses gentillesses sont toujours pleines de fourberie. Dans ce sens la mise en scène de Ludovic Lagarde est adéquate au sujet. Concernant le reproche du grotesque, il nous semble que bien au contraire c’est là toute la grandeur de cette mise en scène car elle permet au spectateur de se rapprocher de Richard III qui sans cela serait proprement inaccessible dans sa volonté de destruction. Par le grotesque, Richard est rendu plus humain : il y a un peu de Richard en nous. Autrement dit c’est par le grotesque que cette pièce a toute son efficacité réflexive et amène chacun à s’interroger sur soi. Si Aristote voyait dans la tragédie antique le moyen de se purger de la pitié et de la crainte, la mise en scène de Ludovic Lagarde permet non pas de se purger de sa volonté de destruction, mais d’en prendre conscience et de se donner les moyens de la contenir.


Adélaide, Emmanuelle, Jean-Pierre, Marie-Josée, Martine, Naïma, Etienne et Patrick

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Commentaires
M
"Mais pour nous, ce Richard reste néanmoins un exercice de style un peu vain." (Fabienne Darge envoyée spéciale pour le Monde le vendredi 20 juillet 2007).
<br /> <br /> D'accord avec vous, ce Richard III n'est pas seulement un exercice de style :<br /> - il met au centre les femmes, dont les rôles étaient peu importants dans le théâtre élisabéthain, et développe particulièrement une relation mère-fils pleine d'ambiguïté.<br /> - il résonne fortement avec la trajectoire d'accession au pouvoir de nombres de dictateurs du XXème siècle.<br /> <br /> <br /> « La musique moderne, guitare électrique en direct donne une pesanteur au texte. » (un participant au séjour)<br /> <br /> Là-aussi, d'accord avec vous, cette guitare scande avec réussite les moments importants de l'action dramatique.<br /> <br /> <br /> "Pourquoi s'est-il (Ludovic Lagarde) senti tenu de présenter tout cela sous l'angle du grinçant et du grotesque ?" (René Solis envoyé spécial à Avignon pour Libération le vendredi 20 juillet 2007).<br /> <br /> Même chose, je n'ai vu ni grinçant, ni grotesque dans cette mise en scène.<br /> <br /> Une précision pour finir : le vrai Richard III n'était pas difforme, mais il a été décrit comme tel par la dynastie des Tudor qui lui a succédé, sans doute pour assombrir encore davantage sa mémoire, et Shakespeare a repris cela dans son Richard III. Il est donc assez intéressant que L. Lagarde n'ait pas choisi de rendre Richard III difforme.
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